Pendant des années, un homme photographie sa femme. Légèrement vêtue ou tout à fait nue, elle pose sans minauder dans des scènes d’intérieur ou en plein air, se prêtant au désir du photographe sans jamais franchir les frontières de la pornographie.
Dans la pratique de la photographie amateur, ce genre de petite collection fétichiste n’est sans doute pas rare mais difficile à trouver car confinée à la sphère privée. Si l’on s’en tient à la prise de vue et aux poses assez conventionnelles, cet ensemble, constitué de près d’une centaine de clichés pris entre 1930 et 1945, peut paraître naïf mais sa mise en couleurs en fait tout le charme et la singularité. C’est là que semble se nicher le plaisir et l’audace du photographe : rehausser de couleurs les petites culottes de la femme aimée, maquiller son visage, souvent outrageusement, la transformer en blonde, brune, rousse, parfois jusqu’au grotesque, la déshabiller en photo, l’habiller en peinture, faire oeuvre de peintre sur photographie dans une variation inlassable autour du corps de sa muse.
Pratiquée dans l’intimité du couple, la photographie devient support d’un rituel amoureux, théâtre des fantasmes, expression d’une part singulière d’humanité.