Exposition du 28 avril au 23 mai 2014
Amateur de génie, il disait : « Je suis photographe pour me distraire ».
Pendant plus de quarante ans, Georges Thiry a promené son Rolleiflex, comme un troisième œil sur le ventre, Bruxelles offrant le cadre privilégié de ses « promenades artistiques », comme il les appelait.
Cette obsession, qui l’occupa de 1935 à 1975, est à l’origine d’une production de 40 000 négatifs, presque autant de contacts et un petit nombre de tirages.
Ami des Surréalistes belges, il aimait les artistes en général et les prostituées en particulier. Les portraits qu’il a fait des premiers, les notoriétés comme René Magritte, Paul Nougé, Christian Dotremont ou Louis Scutenaire, ont certainement contribué à sa reconnaissance. Quant aux secondes, les belles inconnues, les filles de joie, elles sont restées dans l’ombre discrète des savants contre-jour qu’il affectionnait.
Illustres ou non, tous ses modèles bénéficiaient du même traitement : il les photographiait de préférence chez eux, à leur aise dans leur décor familier. Pour les prostituées, ce dernier se confond souvent avec le lieu de travail, généralement une chambre où elles posent sans artifice, fumant une cigarette, réajustant un bas… Parfois, elles se prêtent au jeu d’une petite saynète improvisée dans l’arrière-cour : Finette en peignoir, Finette lisant un livre, Finette montrant ses fesses…
Dans l’histoire de la photographie, ils ne sont pas si nombreux à avoir franchi le seuil des maisons closes avec un appareil photo. On connaît, au 19e siècle, quelques images d’Eugène Atget, un reportage sur les maisons closes d’Albert Brichaut, les séries photographiques de Bellocq à Storyville, puis quelques années plus tard, les fascéties érotiques de Monsieur X, les filles de la nuit de Brassaï, enfin les travaux de Jane Evelyn Atwood ou de Christer Stromholm. Une poignée de photographes pour une poignée d’images… sans compter toutes ces photographies anonymes prises dans le secret des alcôves que nous ne connaîtrons jamais.
Georges Thiry fait donc partie de ces rares initiés qui ont su gagner la confiance des prostituées. Il était le client photographe, suffisamment ami de ces dames pour qu’elles s’offrent à l’objectif sans minauder, ni jouer les prostituées. D’ailleurs, il ne les photographiait pas pour ce qu’elles avaient à vendre, le sexe, mais pour ce qu’elles étaient réellement, au-delà des étiquettes, saisissant des moments rares d’abandon comme cette femme en contre-jour, fumant une cigarette devant la fenêtre, le regard perdu…
C’est cette confiance établie entre le photographe et ses modèles, cette sincérité de part et d’autre, cette impression, souvent, de bonne humeur partagée qui font le prix de ces images dénuées de voyeurisme.
A ce titre, le fonds Georges Thiry (ces quelques centaines de négatifs retrouvés par la galerie Lumière des roses et cet autre millier de négatifs déposé au Musée de la Photographie de Charleroi) est un ensemble exceptionnel.
De la photographie, Georges Thiry disait simplement : « Voilà ma petite passion ». Des filles qu’il fréquentait, des portraits tendres et superbes qu’il faisait d’elles, il aurait pu dire de même.
L’exposition présente des tirages vintage contacts (format 6x6) ainsi que des retirages argentiques réalisés par l’Atelier Isabelle Menu à Montreuil.
Photography was George Thiry’s obsession : ‘I take photos to amuse myself’, he would explain.
For over forty years, his Rolleiflex dangling as a third eye on his chest wherever he went, Georges Thiry found Brussels a fertile environment for his « artistic walks ».
From 1935 to 1975 this passion for photography was the origin of 40,000 negatives, almost as many contacts and a small number of prints.
As a friend of the Belgian Surrealists, of artists in general, and prositutes in particular, his portraits of the notable Surrealists – René Magritte, Paul Nougé, Christian Dotremont and Louis Scutenaire – certainly contributed to their renown. As for the beautiful and unknown good time girls, they stayed discreetly in the shadows of those they frequented during the day.
Famous, or not, all his models received the same treatment. Georges Thiry would photograph them, preferably at home, comfortable in their familiar surroundings. For the prostitutes home was often in their work place : generally a bedroom where they posed simply, smoking or pulling up a stocking… Sometimes they entered into the spirit of the game, taking on an unimprovised sketch : Finette in her dressing gown, Finette reading a book, Finette showing her behind….
In the history of photography, there are not that many photographers who crossed the threshold of brothels with their cameras. In the nineteenth century, there are a few pictures by Eugène Atget. There is a documentary on brothels by Albert Brichaut, there is a series of photographs by Bellocq at Storyville. From a few years later ‘The erotic clownerie of Monsieur X’., there are Brassai’s girls of the night, and finally there are the works of Jane Evelyn Atwood and Christer Stromholm . So, just a handful of photographers and a handful of pictures …. not of course counting all the anonymous photographs hidden in secret alcoves that we may never see.
Georges Thiry was one of the few insiders who gained the trust of prostitutes, the photographer client, close enough to his subjects for them to pose frankly, without flirting. He was able to capture those rare moments of repose – a woman against the light, smoking a cigarette by the window, lost in thought…
This trust between the photographer and his models, this sincerity from one to the other, this impression of good spirits often shared, make these photos unique in their lack of voyeurism.
As such, the work of Georges Thiry - these few hundred negatives that have been unearthed by the Gallery Lumière des Roses, and the thousand or so negatives already in the Museum of Photography in Charleroi - is an exceptionnal collection.
Of photography Georges Thiry said simply ‘Here is my little passion’. Of the girls he frequented, portraits of them at once so tender and superb, he could have said the same.
The exhibition presents vintage contacts (format 6 x 6) and silver reprints made by Isabelle Menu in Montreuil.
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