Laure Tiberghien : Suite...

LAUREATE DU PRIX DECOUVERTE LOUIS ROEDERER 2019

RENCONTRES DE LA PHOTOGRAPHIE
ARLES 2019

Exposition présentée à Ground Control du 1er juillet au 22 septembre 2019, 10h-19h30

De même que l’on n’admet guère qu’une phrase s’énonce sans sujet, on comprend mal qu’une photographie puisse se faire sans appareil. Nous voici prisonniers d’une grammaire qui conditionne comme souvent notre manière de voir.

Or le travail de Laure Tiberghien s’inscrit dans un courant d’expérimentation que l’on peut faire remonter au début de l’histoire de la photographie mais il ne procède en rien cependant d’une quelconque fascination technologique. L’image obtenue sans appareil par la conjugaison de la chimie, de la lumière et du temps, est un révélateur du monde matériel, mettant ici en lumière l’épiderme des choses, non leur peau visible mais leur surface sensible.

Avec ses images, Laure Tiberghien capte les transformations du visible dont elle nous donne à comprendre le mouvement et les altérations. Chacune de ses pièces est l’objet d’une savante composition où les couleurs sont agencées après avoir été auparavant testées et disposées comme sur une palette pour obtenir les rapports de tons souhaités. Mais le choix des supports sensibles détermine aussi l’éclat des couleurs et le jeu nuancé de leur apparition. Ainsi par exemple le Cibachrome donne ce rendu mouillé caractéristique, comme si on venait de le sortir de l’eau, produisant des couleurs très denses. Les papiers métalliques chromogènes ont de leur côté un aspect plus électrique tandis que les supports brillants classiques sont plus atténués et moins réfléchissants. Le choix du matériau est ainsi dicté par le résultat final souhaité.

Toutes ces opérations qui mènent à des pièces forcément uniques, supposent un long travail en chambre noire, l’usage de filtres – découpés comme des négatifs afin d’obtenir la couleur complémentaire – et la mise en place de dispositifs qui n’ont rien de mécanique et permettent d’obtenir une image maîtrisée tout en laissant parfois la place à l’accident possible et au hasard.

Gilles A. Tiberghien
Philosophe et essayiste, professeur d’esthétique à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne.